Chronique du 7 avril 2017 — Diocèse de Blois

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Diocèse de Blois

Chronique du 7 avril 2017

Add this

LE DROIT DE DIRE « JE NE SAIS PAS »

 

D’où vient qu’un journaliste représentant le quotidien catholique le plus lu en France paraît si insatisfait lorsque Monseigneur Pontier, président de la Conférence des évêques, lui dit qu’il n’a pas la réponse à ses questions ? Interrogé sur les raisons de la démission d’un évêque, Mgr Pontier répond : « il y a sûrement des choses que j’ignore, et je l’accepte. » « Peut-on parler d’abus sur mineurs ? » insiste le journaliste. « À ma connaissance non, répond Mgr Pontier, et il n’y a aucune plainte déposée à ce jour. » Il ajoute : « Quand on n’a pas les éléments, on ne peut pas juger. Comme on est dans une société qui veut tout savoir, c’est inconfortable… Cela va à l’encontre de la culture d’aujourd’hui. »

« On en arrive là parce que des responsables ne prennent pas leurs responsabilités », déclare péremptoirement le journaliste. Là, on n’est plus dans les questions, mais dans les affirmations. Qu’est-ce que ce journaliste en sait ? Que sait-il, dans le cas précis, des responsabilités qui n’auraient pas été assumées, alors qu’on pourrait fort bien dire le contraire, à savoir que des conséquences ont été tirées bien vite, trop vite peut-être, à partir de rumeurs – et, si les mots ont un sens, les rumeurs ne sont pas des faits.

Cette manière de poser des questions avec en arrière-fond une thèse que l’on veut démontrer me met mal à l’aise. Soyons clair : elle me révolte. Mais le journaliste, qui décidément sait tout à l’avance, n’en reste pas là, et abat sa dernière carte : « Est-ce que tout cela ne pose pas, plus largement, le problème de la gouvernance de l’Église ? » « Je ne sais pas répondre à votre question », répond sagement Mgr Pontier, plus patient sans aucun doute que je ne l’aurais été à sa place. « Nous sommes [dans] cette double exigence de recherche de la vérité et de respect des personnes. Nous sommes sur une corde raide et nous devons le rester… Nous n’achevons pas celui qui est tombé mais nous essayons de le relever, de l’entourer. » Le verbe « tomber » est volontairement ambivalent. On peut « tomber » en péchant, on peut « tomber » sous la calomnie, on peut « tomber » sous le poids de la croix. « Tomber » est un mot non univoque. Mais de plus en plus, notre monde médiatique paraît vivre en univocisant. L’univocité devient son fonds de commerce. Avons-nous le droit de nous y résigner, surtout devant des media qui se présentent comme catholiques, mais dont les jeunes journalistes ont intériorisé cette posture ? Avons-nous encore le droit de dire « je ne sais pas » dans une société de procureurs, où la seule appartenance à une certaine catégorie de personnes vous désignera bientôt comme suspect ?

Pour le coup, il ne nous est pas permis d’être équivoques en répondant à ces questions.

Navigation