L’amour qui devient fécond — Pastorale de la famille

L’amour qui devient fécond

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Présentation du chapitre cinq d’Amoris laetitia, provenant de l’édition annotée de « La joie de l’amour » aux éditions Lessius Fidélité (2016), avec l’aimable autorisation de l’éditeur.

Comme annoncé dans le préambule de l’exhortation, ce chapitre donne des orientations pour « la construction de foyers solides et féconds selon le plan de Dieu » (6) et veut encourager chacun à « prendre soin avec amour  de la vie des familles » (7).

De façon générale, convergent ici l’approche de raison, ou approche anthropologique, et l’approche théologique fondée sur la Révélation. Une insistance est placée sur l’attention à la vulnérabilité. La mise en relation de la sexualité  et de la fécondité passe par l’amour, dont le chapitre précédent a montré qu’il ne s’agissait pas seulement d’un épanchement de la subjectivité. La mise en relation de la sexualité, de l’amour et de la fécondité est un des apports bibliques à la vision de la famille.

D’emblée, la fécondité n’est pas présentée comme l’obligation de procréation  et elle est déclinée au pluriel. Le chapitre II avait déjà invité à une « salutaire autocritique » en reconnaissant que souvent, dans la présentation du mariage, « l’appel à grandir dans l’amour et l’idéal de soutien mutuel ont été occultés par un accent quasi exclusif sur le devoir de la procréation» (36). De plus, les rappels limités de l’éthique de la procréation ont été faits au chapitre III en évoquant Humanæ vitæ (82) par la seule référence à la dignité de la personne et non à celle de la « loi naturelle  ». Ils sont également repris brièvement au chapitre VI (222).

La première affirmation de ce chapitre – « l’amour donne toujours vie » – énonce la vérité de l’amour et sa logique interne : la fécondité est une manifestation de l’amour, son fruit et son prolongement (cf. 80), et non pas une obligation extérieure. Au-delà de l’enfant, qui parfois ne viendra pas, toute famille est invitée à « développer d’autres formes de fécondité qui sont comme la prolongation de  l’amour qui l’anime » (181). Cette affirmation d’une fécondité intrinsèque à l’amour, depuis le plus intime du couple jusqu’au plus vaste du social, peut orienter toutes les préparations au mariage, chrétiennes ou non. Elle est cependant précisée pour les couples chrétiens, puisqu’elle « se traduit par mille manières de rendre présent l’amour de Dieu dans la société » (184).

Le texte formule alors, avec un réalisme et un détail jamais atteints dans un document papal, les conditions psychologiques, les facteurs matériels, les valeurs, les critères éthiques et les orientations spirituelles qui permettent de développer au mieux les liens conjugaux, les liens de la grossesse, les rapports entre les parents et entre les enfants, les rapports parents-enfants, les relations aux familles, aux belles-familles et aux familles élargies en incluant les amis et toutes les personnes accueillies.

Les trois parties de ce chapitre visent à élargir à la fois la fécondité et le cercle familial, et donnent lieu à des réflexions nouvelles. Il suffit d’en mentionner quelques-unes pour donner le goût de les méditer toutes :

Les femmes des pays où la grossesse est très médicalisée et suscite bien des inquiétudes seront sans doute sensibles à l’affirmation que la femme enceinte doit protéger la joie intérieure de sa maternité et qu’elle participe au « rêve du Créateur » en « rêvant [de] son enfant » (169), c’est-à-dire en l’investissant psychiquement par le désir, les sentiments, l’imagination, les projets, etc.
Les commentaires sur le droit de l’enfant à « recevoir l’amour d’un père et d’une mère » (172), sur les changements des marqueurs identitaires et des rôles des femmes et des hommes, sur la valorisation d’un certain féminisme (173), sur la nécessité des figures maternelles et paternelles, pourront nourrir bien des débats actuels.
En s’appuyant sur l’affirmation de Benoît XVI selon lequel « la “mystique” du sacrement a un caractère social » (186), François exhorte à mettre en cohérence la réception de l’eucharistie et l’ouverture de la famille aux marginalisés afin de former en vérité un seul corps.
Enfin, le pape incite aussi à réveiller l’hospitalité et la gratitude envers les personnes âgées en mettant en lien le cri de la personne âgée : «Ne me rejette pas au temps de ma vieillesse » (Ps 71, 9), avec celui des pauvres (191).

Prendre soin des familles, c’est les aider à s’élargir pour accueillir et prendre soin d’autres personnes

Xavier Lacroix et Bruno Saintôt