La dignité de l'Homme en établissement de santé — Pastorale de la santé

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La dignité de l'Homme en établissement de santé

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Le 12 Mars 2019, les équipes provinciales se sont réunies à Blois pour une formation sur le thème de la dignité de l'Homme en particulier dans les établissements de santé.
Cette rencontre s'adressait aux personnes exerçant des fonctions d'aumônier en milieu hospitalier, à celles animant des équipes d'Etablissements d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes ou se rendant à domicile.
Cette conférence, extrêmement intéressante, est accessible ici.

Cliquer sur le lien jaune ci-dessous pour accéder à la video

 

 

 

https://www.catholique-blois.net/vie-pastorale-et-paroisses/pastorale-de-la-sante/pour-mieux-accompagner/la-dignite-de-lhomme-en-etablissement-de-sante

 

Le texte ci-dessous, de Jacques Ricot, est son résumé de son propos :

 

 

 

De quelle dignité parlons-nous?

 

La dignité de l’homme tient à son humanité. Cela signifie que la dignité est une exigence qui concerne tout être humain indépendamment de son âge, de son handicap physique ou mental, de sa maladie, de l’idée que les autres se font de lui-même. Il arrive que certains hommes, dans des situations de détresse et de fragilité, en viennent à perdre l’estime d’eux-mêmes et finissent par douter de leur propre dignité surtout quand elle n’est pas honorée par le regard qu’autrui porte sur eux. Mais savons-nous bien ce qu’est la dignité ? Il se trouve que dans la langue commune, le terme possède plusieurs significations et des glissements sémantiques s’opèrent d’une manière insidieuse entraînant des conséquences éthiques assez redoutables.

Il faut donc analyser avec rigueur le terme de dignité en commençant par mettre en évidence la pluralité de ses usages, mais en se refusant à les constater paresseusement. Il faudra, en effet, nous efforcer de les organiser et de les hiérarchiser.

 

1. Le sens ontologique, qui est aussi un sens axiologique, est clairement indiqué dans le préambule et l’article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

« Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde […] l’assemblée générale proclame […] :

Article premier - Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. »

La dignité humaine ainsi entendue n’est pas une qualité que nous possédons par nature comme telle caractéristique physique ou psychique, elle n’est pas une détermination de l’être humain, elle est le signe de son intangibilité, renvoyant à la valeur absolue accordée à la personne humaine en sa singularité, valeur inconditionnelle qui jamais ne peut être perdue. Nul n’a le pouvoir de renoncer à sa dignité car elle ne dépend ni de l’idée que l’on se fait de soi-même, ni du regard posé par autrui.

 

2. La dignité, dans l’usage contemporain, désigne cette sorte d’élégance qui épargne à autrui le spectacle de nos propres maux. Ne pas être pour autrui un poids, assumer stoïquement les épreuves de l’existence, cultiver pudeur et discrétion, persévérer dans l’héroïsme du quotidien, ce sont là des vertus communes à l’héritage de toutes les grandes sagesses. Mais la dignité comprise en ce sens, connaît aussi sa limite. Car en développant la maîtrise de soi, en se conformant à une image de soi présentable, ne pourrait-on en venir à nier la dignité ontologique de celui qui ne parvient pas à coïncider avec la norme socialement définie du devoir de ne pas importuner autrui ? Malgré sa grandeur, cette deuxième signification de la dignité, qu’on peut appeler dignité-décence, ne doit en aucune façon être confondue avec la première. Manquer de courage, ou encore voir se dégrader l’état de sa propre personne ou de celle d’autrui, n’équivaut pas à la perte de la dignité ontologique ni à la disparition de l’exigence que la dignité soit honorée.

 

3. Enfin, la dignité ne saurait être confondue avec la liberté, du moins avec la conception sommaire d’une simple autodétermination, comme on le fait parfois en un raccourci fallacieux renonçant ainsi à l’originalité du concept et à l’innovation représentée par son acte de naissance juridique lors de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Face à une liberté conçue sur le mode d’une extension indéfinie du moi, bornée par la seule liberté d’autrui, la dignité vient rappeler la limite à l’intérieur de laquelle l’humanité de l’homme doit être préservée. En un sens plus profond, la dignité et la liberté authentique, conçue sur le mode de l’autonomie (obéissance à la loi de la raison), ont partie liée.

 

La dignité ontologique, en tant que principe d’humanité, apparaît dans son intangibilité, en position de réguler les autres usages. Autrement dit, on ne pourra se réclamer de la dignité-décence ou de la dignité-liberté sans s’abstraire de la dignité ontologique et axiologique.

Et l’on admettra que la dignité ne saurait se réduire à n’être qu’une convenance personnelle ou résulter du regard empirique porté par autrui ou encore se confondre avec la libre disposition de soi, sauf à s’éloigner de la construction philosophique et juridique du concept. Si la situation de la personne âgée, malade, handicapée, en fin de vie est bien d’abord celle d’une personne humaine, il n’y a pas lieu de lui appliquer une conception différenciée de la dignité. Celle-ci lui est irréductiblement attachée et implique des devoirs à son égard. La question de la dignité ne se limite pas aux rapports individuels avec ceux qui sont dans un état de vulnérabilité extrême, elle concerne toute une société, toute une culture et pour ainsi dire, toute une politique.

 

Jacques Ricot

 

 

 

 

Pour prolonger la réflexion :

Philosophie et fin de vie, ENSP, 2003.

Dignité et euthanasie, Pleins Feux, (diffusion PUF), 2003.

Étude sur l’humain et l’inhumain, Pleins Feux, (diffusion PUF), réimpression 2004.

« La dignité du mourant » dans Le Mourant, M-editer (diffusion PUF), 2006.

« Dignité et fin de vie », dans L’humain et la personne, dir. F.-X. Putallaz et B.-N. Schumacher, Cerf, 2008.

Éthique du soin ultime, Presses de l’EHESP, 2010.

« La dignité, un concept redoutablement polysémique : l’exemple de la fin de vie », dans Kulturen der Würde. Annerkennung, Sterben, Tod, herausgegeben von Christine Baumbach-Knopf, Peter Kunzmann, Nikolaus Knoepffler, UTZ, München, 2014, p. 129-159.

Penser la fin de vie, Presses de l’EHESP, 2017.