Homélie de la messe de Toussaint 2020 — Diocèse de Blois

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Diocèse de Blois

Homélie de la messe de Toussaint 2020

Add this
Messe présidée par Mgr Batut en la cathédrale de Blois le dimanche 1er novembre 2020

Lectures  
Apocalypse  7, 2-4.9-14
Psaume 23
1 Jean 3, 1-3
Matthieu 5, 1-12a

 

Avant de commencer la célébration, Mgr Batut s’est adressé aux musulmans venus en délégation.
Aujourd’hui, un certain nombre de nos amis musulmans de Blois se sont mis d’accord pour venir assister à la messe de la Toussaint à la cathédrale.
Chers amis, nous vous remercions d’avoir voulu être présents parmi nous aujourd’hui.
Votre présence et votre amitié nous réconfortent.
Je voudrais remercier aussi les nombreux responsables de communautés musulmanes à travers le Loir et Cher qui ont tenu à m’appeler au téléphone depuis avant-hier pour manifester leur proximité et leur soutien à la communauté catholique.

 

Dans toutes les religions existent des lieux saints, des terres saintes, des villes saintes, des bâtiments saints – qu’on les appelle synagogues, églises ou mosquées. Et aussi des livres saints.

En même temps les religions les plus évoluées, celles qui se sont dégagées du polythéisme et de la superstition pour accéder à la plus haute idée de Dieu, ces religions affirment avec force que Dieu est le seul Saint. Nous le chanterons tous à l’heure, faisant écho au chapitre 6 du livre d’Isaïe : « saint, saint, saint le Seigneur, Dieu de l’univers ; le ciel et la terre sont remplis de sa gloire ! » Et l’on trouve dans le Coran des expressions tout à fait semblables : « Il est Dieu, le Roi, le Saint, l’Apaisant, le Vigilant, le Dominateur, le Tout-puissant, le Suprême : gloire à Dieu ! » (Sourate 59, verset 23)

Mais si Dieu est le Saint, il est capable de communiquer sa propre sainteté. Et c’est précisément pour cela qu’il y a des lieux saints, des terres saintes, des villes saintes, des bâtiments et des livres saints. Et surtout, surtout, des personnes saintes. Car ce ne sont pas les lieux ou les bâtiments qui comptent, ce sont les personnes et la pureté de leur cœur, que Dieu seul connaît.

Nous en avons tous rencontré, de ces personnes qui, parce qu’elles avaient une vie intense de prière et de charité, rayonnaient de la sainteté de Dieu. Car la sainteté n’est pas si rare, même si elle ne fait pas la une des journaux, et tous nous pouvons être marqués profondément par elle. À propos de saint Jean-Marie Vianney, quelqu’un avait dit un jour : « j’ai vu Dieu à travers un homme ». Et saint Jean-Marie Vianney lui-même avait dit : « là où les saints passent, Dieu passe avec eux. » Là où les saints passent, Dieu passe avec eux : ce sont eux, frères et sœurs, qui portent le monde et qui l’empêchent de retourner au néant. C’est pourquoi la fête d’aujourd’hui est une fête de joie et d’espérance.

 

Les saints sont les amis de Dieu. Ils sont donc sous sa protection, et il leur promet d’être toujours avec eux. Là encore, je m’autorise un rapprochement entre la Bible et le Coran : « la vie des justes est dans la main de Dieu, aucun tourment n’a de prise sur eux » dit la Bible (Sagesse 3, 1) ; « les amis de Dieu (les awliya) n’éprouveront plus aucune crainte, ils ne seront pas affligés » dit le Coran (Sourate 50, verset 62). À première vue, cela apparaît donc payant d’être un wali, un ami de Dieu : « ils recevront la bonne nouvelle dans cette vie et dans l’autre » poursuit la même sourate (verset 64). Et le psaume 127 renchérit : « heureux qui craint le Seigneur et marche selon ses voies ! heureux es-tu, à toi le bonheur ! »

Pourtant, nous le savons bien, sur cette terre les choses ne se passent pas ainsi. Justement parce que les saints sont les amis de Dieu, qu’ils ont décidé de vivre pour lui, et qu’en voulant vivre pour lui ils ont compris qu’ils étaient appelés à se comporter comme lui : renoncer à la haine et à la vengeance, aimer et pardonner. Dieu leur a promis d’être toujours avec eux, mais pas de la manière que nous imaginons. En effet, c’est justement parce qu’ils ont choisi de se comporter comme Dieu que leur vie a souvent été tout sauf tranquille : celui qui choisit d’aimer et de pardonner dans un monde où la haine et la vengeance font la une, celui-là peut s’attendre à traverser des épreuves. Voilà pourquoi dans l’Apocalypse la foule immense des saints et des saintes nous est présentée comme venant « de la grande épreuve », qui a uni leur sang au Sang de l’Agneau.

 

Les saints que nous montre l’Apocalypse portent un nom : ce sont des martyrs. Martyr ! Encore un mot qui dans le contexte de violence de notre temps, et en particulier de la violence terroriste, est défiguré et sali. Quand un malheureux fanatisé se tue lui-même ou se laisse tuer pour tuer le plus d’innocents possible, des sites internet et des mouvements extrémistes n’hésitent pas à le célébrer comme un « martyr ». C’est une insulte aux véritables martyrs : car le véritable martyr est un témoin de l’amour et du pardon. Non seulement il ne tue pas, mais il se laisse mettre à mort. Non seulement il ne se venge pas, mais il donne sa vie même pour ses bourreaux.

 

Pour nous chrétiens, Dieu est le seul saint, mais le seul saint est Jésus le Christ, parce que Jésus et Dieu ne font qu’un. C’est pourquoi nous reconnaissons son visage dans l’innocent persécuté, et que nous ne renonçons pas à prier pour les bourreaux et les meurtriers en nous rappelant qu’il l’a fait lui-même sur la croix : « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». La croix de Jésus, si importante pour nous, au point que nous la mettons bien en vue dans nos églises et nos maisons, met en évidence deux vérités : la première, c’est qu’« il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » comme le dit Jésus dans l’évangile de saint Jean (15, 13) ; la deuxième, c’est que l’amour est plus fort que la mort et que c’est à lui qu’appartient la victoire, comme le montre la résurrection de Jésus d’entre les morts.

 

Nous pouvons donc entendre dans l’espérance et dans la certitude de la foi ces paroles des Béatitudes que nous retrouvons chaque année le jour de la Toussaint :

« Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde ;

Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu ;

Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu ;

Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.

Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute, et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous à cause de moi :

Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! »

 

Mais attention : pour les entendre en vérité, n’oublions pas la parole de saint Jean : « quiconque met en lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur. » Il y a donc un travail à faire. Ce travail pour lequel nous n’avons pas trop de la durée de notre vie porte un nom : il s’appelle la conversion. Attachons-nous à ce travail avec la grâce de Dieu. Car avant que nous ne voyions Dieu « tel qu’il est », il faut que nos frères humains puissent entrevoir Dieu à travers nous.

 

Version téléchargeable et imprimable

Navigation