Homélie pour les vœux perpétuels de sœur Pani Helan — Diocèse de Blois

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Homélie pour les vœux perpétuels de sœur Pani Helan

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Dimanche 19 juillet 2020, en la basilique Notre-Dame de la Trinité à Blois

HOMÉLIE POUR LES VOEUX PERPÉTUELS DE SOEUR PANI HELAN, FSM,

DIMANCHE 19 JUILLET 2020, 16e PENDANT L’ANNÉE

 

Basilique Notre-Dame de la Trinité, Blois

 

 

Sagesse 12, 13, 16-19

Psaume 85

Romains 8, 26-27

Matthieu 13, 24-43 (paraboles du bon grain et de l’ivraie, de la graine de moutarde et du levain)

 

 

Ce jour est pour nous tous une grande fête, celle des vœux perpétuels de Sœur Pani Helan. C’est aussi un grand honneur pour notre diocèse de Blois, car la plupart du temps nos chères Franciscaines servantes de Marie prononcent leurs vœux dans leurs pays d’origine, Inde ou Madagascar. Nous sommes donc particulièrement sensibles à l’honneur qui nous est fait en cette année 2020, alors que nous nous apprêtons à célébrer dans un mois une ordination sacerdotale. Ces deux engagements, celui d’une jeune femme et celui d’un jeune homme, pour le service du même Seigneur et de son Église, sont un grand événement pour chacun de nous, et un grand signe d’espérance pour notre Église diocésaine.

 

Pour la fête d’aujourd’hui nous avons conservé les lectures du seizième dimanche, qui sont proclamées en ce jour dans toutes les églises du monde. Ces lectures nous parlent de puissance et de faiblesse : puissance de Dieu, faiblesse de l’homme. Mais elles nous en parlent en termes très subtils. Le livre de la Sagesse est un des plus tardifs de l’Ancien Testament. Il est le fruit de la méditation des événements du salut à travers les siècles, et il cherche à en tirer les leçons : c’est ainsi qu’il insiste, non sur la puissance de Dieu, mais sur la modération avec laquelle Dieu en fait usage. Avant d’être celui qui punit, Dieu est celui qui prend soin. Il est le tout-puissant, mais aussi le tout miséricordieux, et il ne montre sa force que si l’on ne croit pas à la plénitude de sa puissance, c’est-à-dire seulement si c’est vraiment nécessaire.

 

Le Dieu qui nous est ici présenté est un Dieu discret, un Dieu non intrusif, qui ne cherche pas à s’imposer, mais qui préfère se proposer, s’offrir à notre amour. Dieu sait bien, en effet, que l’amour ne s’impose pas. Il n’est pas dans l’orage ou dans le tremblement de terre, mais dans la brise légère, ainsi qu’Élie en a fait l’expérience.

 

Ce parti-pris de Dieu de ne pas montrer sa puissance a une conséquence très importante : seuls des yeux exercés et des oreilles attentives peuvent discerner sa présence. Il est caché aux sages et aux savants, ainsi qu’à ceux qui ne croient qu’à la force et aux rapports de force. Davantage encore : comme nous le voyons dans la parabole du bon grain et de l’ivraie, il laisse prospérer dans le monde des germes de mal et de division, alors même qu’il y a semé le bon grain de sa Parole. Et cela est source d’interrogation, voire de scandale : « Seigneur, disent les serviteurs, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ? » Le Seigneur ne laisse pas cette question sans réponse : « C’est un ennemi, dit-il, qui a fait cela. » Alors, les serviteurs proposent d’aller enlever la mauvaise herbe, mais le maître leur demande de n’en rien faire, pour ne surtout pas risquer « d’arracher le blé en même temps ».

 

Comme les serviteurs, nous sommes obligés de vivre sous le régime de l’attente. Nous aimerions bien prendre des moyens humains, utiliser les ressources de la puissance humaine, pour accélérer la venue du royaume de Dieu. Mais le maître de la moisson nous dit : « non, attendez ! » Par ces paroles, il nous a mis en garde une fois pour toutes contre la tentation d’éradiquer le mal avec nos propres forces pour faire advenir une société parfaite, comme a voulu le faire par exemple le marxisme. Et il nous a invités à un acte de foi dans la puissance de sa parole, qui continue d’agir invisiblement au plus profond de notre histoire.

 

Quand une personne humaine est appelée à une vie consacrée, Dieu l’invite à mettre cet acte de foi au cœur de sa vie. C’est pourquoi le renoncement aux formes habituelles de fécondité humaine, et en particulier au mariage, fait partie de la vie consacrée. C’est comme si la personne disait à Dieu : je veux que la fécondité de ma vie vienne de toi seul, et que cela soit visible dans une vie totalement remise à ta puissance. Je veux te laisser le gouvernail de ma vie, dans la pauvreté, la chasteté et l’obéissance. Je veux me rendre faible et vulnérable afin que tous puissent constater que toute fécondité vient de toi, et de toi seul.

 

« Le bon grain, nous dit Jésus, ce sont les fils du Royaume ; l’ivraie, ce sont les fils du Mauvais. » Ce qui caractérise le temps où nous sommes, ce n’est pas seulement le mélange du bon grain et de l’ivraie, c’est aussi l’impression que le bon grain est noyé dans l’ivraie, qu’elle l’empêche de pousser et finalement qu’elle l’étouffe. Jésus nous invite à regarder au-delà de ces apparences : il nous promet qu’au moment de la moisson la différence entre le bon grain et l’ivraie sera parfaitement visible, et qu’on pourra lier en bottes l’ivraie pour la brûler sans risque de la confondre avec le bon grain. Alors, tout ce qui est caché apparaîtra ; alors, tout ce qui est solide sera manifesté ; alors, la puissance de Dieu sera visible aux yeux de tous. Mais notre temps est le temps de la patience, le temps d’une croissance non mesurable et non démontrable. Il nous faut réfréner non seulement notre désir interventionniste, mais même notre envie de savoir où en est exactement la croissance du Royaume des cieux. Nous ne savons ni le jour, ni l’heure.

 

Dans ce temps où nous sommes, la puissance de Dieu reste un objet de foi. Et cependant nous ne sommes pas condamnés à ne rien voir. En effet, nous avons la possibilité de constater que cette puissance de vie est à l’œuvre, car, nous dit saint Paul, elle « vient au secours de notre faiblesse ». L’enjeu de la vie consacrée, et d’abord de la vie baptismale, n’est pas seulement d’accepter la faiblesse, mais de laisser l’Esprit Saint venir l’habiter et lui donner son sens. C’est l’autre facette des vœux religieux. Ils sont d’abord marqués au coin du renoncement, c’est-à-dire de la faiblesse : renoncement aux moyens matériels, renoncement à la fécondité selon les critères humains, renoncement à une partie de l’autonomie personnelle. Mais ce vide qui se crée en nous est fait pour être comblé par la présence et par l’action de l’Esprit Saint. L’Esprit Saint est Celui qui habite notre prière et qui fait de notre vie une prière. Il est Celui qui nous rend pauvres de la pauvreté du Christ, chastes de la chasteté du Christ, obéissants de l’obéissance du Christ, mais aussi associés au triomphe du Christ. Il est Celui qui habite notre faiblesse et qui permet à Dieu de nous revêtir de sa force. Il ouvre notre vie entière à la lumière de Pâques. Il permet à tout baptisé, et en particulier à ceux et celles qui vivent la radicalité du baptême dans la consécration religieuse, de reprendre à leur compte les paroles de saint Paul : « je me glorifierai de ma faiblesse, afin qu’habite en moi la puissance du Christ ; car lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort ».

 

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