Au Supermarché — Diocèse de Blois

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Chronique du 28 septembre 2018

AU SUPERMARCHÉ

 

Ce n’est pas vraiment un supermarché, encore moins un hypermarché : c’est plutôt ce qu’on appelait dans mon enfance un « Félix Potin ». Je ne sais pas si c’est à cause du mot « potin », mais le fait est qu’on y entend par moments quelques bribes de conversations, alors que dans les hypermarchés règne un silence de cathédrale.

Dans ce Félix Potin donc, où je venais pour la première fois, se trouvait près de la caisse un panonceau avec la phrase suivante : « ICI NOUS NE SERVONS PAS LES PERSONNES QUI TÉLÉPHONENT – POUR NE PAS LES DÉRANGER ».

Comme vous peut-être, il m’est arrivé d’être dérangé dans le train par l’effarante impolitesse et l’incroyable impudeur de personnes qui téléphonaient comme si elles étaient seules au monde. Il est vrai que cela peut permettre de glaner au passage des informations importantes : « Je suis dans le train – et toi, t’es où ? », « on se retrouve à l’arrivée à la gare », et autres sentences de même facture.

Quand ce genre de conversation se prolongeait, je me suis parfois approché de l’homo telephonicus en pleine activité pour lui dire avec un air aussi aimable que possible : « Auriez-vous, madame, monsieur, l’extrême obligeance de passer vos communications sur la plate-forme ? » Et je dois avouer que jamais, au grand jamais, il ne m’est venu à l’idée que je risquais de déranger l’individu. Pour savoir cela, il aura fallu que j’entre dans un supermarché et que je découvre sur un panonceau toute la délicatesse de ces personnes chargées de servir les clients et soucieuses de ne pas les déranger en interrompant par mégarde leur conversation téléphonique.

Il m’a manqué le temps d’observer si les clients concernés préféraient raccrocher leur téléphone pour régler leurs achats, ou bien continuer leur conversation envers et contre tout. Mais j’ai trouvé cet appel au respect tout à fait salutaire. L’important est en premier lieu de renoncer à faire deux choses à la fois, en second lieu de hiérarchiser ce que l’on fait ; et dans tous les cas, de se réhabituer à avoir devant soi des personnes et non des machines à régler ses achats : à cet égard, le panonceau du Félix Potin est sans doute un bon début. Cela étant, beaucoup de travail reste à faire pour que ceux et celles qui sont rivés sur leur tablette dans les trains ou les autobus acceptent de temps en temps de lever le nez pour reprendre conscience de l’existence du reste de l’humanité, ou tout simplement pour regarder le paysage.

 

 

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