De bruit et de fureur — Diocèse de Blois

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De bruit et de fureur

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Chronique du 19 mars 2021

Ces derniers temps, Arte rediffusait un film de Jean-Claude Brisseau, assez mauvais du reste, intitulé De bruit et de fureur. Le film vaut surtout par son titre emprunté au noir soliloque du Macbeth de Shakespeare : « La vie est une histoire racontée par un idiot, sans signification, pleine de bruit et de fureur. »

La date de tournage du film, 1988, invite à s’interroger. C’était il y a plus de trente ans, et déjà certaines banlieues étaient en proie à l’exclusion, à la misère sociale, à l’échec scolaire et à leurs conséquences : les trafics en tous genres, la délinquance et la violence. En trente ans, le nombre de ces lieux de non-droit n’a fait qu’augmenter, et qu’a-t-on fait pour y remédier ? Des discours, beaucoup de discours, dont les tirades sarkozystes sur le nettoyage au karcher ne sont pas les moins pittoresques, mais des actes fort peu.

Le bruit et la fureur se sont déchaînés dans nos rues cette semaine. Comme souvent, le prétexte était futile en apparence : une simple histoire de contrôle de police sur des petits malfrats qui n’avaient pas la conscience tranquille et qui, en prenant la fuite, ont mis en danger leur vie et celle d’autres personnes. Prétexte futile et conséquences tragiques… Mais ce qui a mis le feu aux poudres était-il si futile ? Non, car les conséquences ont manifesté une fois de plus l’existence de tout un système, de tout un monde parallèle qui fonctionne selon ses propres lois et qui ne peut tolérer d’être même effleuré du doigt. On dit que si les trafiquants de stupéfiants qui sévissent en France étaient empêchés de nuire, plus de 200 000 personnes perdraient leur gagne-pain. Un monde parallèle, une économie parallèle, des règles parallèles, dans une République qui proclame fièrement que personne n’est au-dessus de la loi. Voilà qui donne à penser.

Je ne peux chasser de mon esprit l’image du camion qu’on lance à vive allure et qui fonce sur les policiers. Cela me remet en mémoire un autre camion fou, à Nice, il y a cinq ans. C’était le 14 juillet 2016, sur la promenade des Anglais noire de monde. Les mobiles sont différents, la logique est la même : le bruit et la fureur. Mais où va donc cette société qui fabrique ainsi des barbares ? Oui, où va-t-elle ? Dans la phrase de Macbeth, les deux mots les plus importants peut-être sont : « sans signification » (signifying nothing). Une société qui ne pointe vers rien, qui ne propose aucun idéal, qui reste désespérément « sans signification ». C’est à elle que s’en prennent ces barbares, et de ce point de vue ils sont autant victimes que coupables.

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